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Projection-débat « Extrême-droite et sionisme » : Introduction du Capab

tract_cineclub_sionismeJeudi 15 mai 2014 : Paris 8 Saint-Denis
Cette rencontre a été organisée avec le  Collectif Palestine de Paris 8, Génération Palestine et l’Union Juive Française pour la Paix sur le thème « Extrême-droite et sionisme, une alliance contre-nature ? Quelle solidarité avec la Palestine ? ».

 

Environ quatre-vingt-dix personnes sont venues participer au débat.
Différent-e-s intervenant-e-s ont présenté l’histoire du sionisme, les rapprochements
de l’extrême-droite fasciste avec l’extrême-droite sioniste et le détournement de la lutte du peuple palestinien au profit d’une idéologie antisémite portée par l’extrême-droite soralienne. Le débat a porté sur ce que pourrait être une stratégie antifasciste pro-palestinienne : une lutte sans concessions contre l’islamophobie diffusée par l’extrême-droite, associée à un mouvement de solidarité avec la Palestine qui soit clairement militant, antiraciste et internationaliste, à l’image de la campagne BDS, Boycott-Désinvestissement-Sanction.


INTRODUCTION DU CAPAB :

Cette intervention s’est effectuée suite à un exposé sur l’histoire du sionisme par l’UJFP, et précédant une présentation de Génération Palestine et de Quartiers Libres sur les faux-amis de la Palestine que représentent Soral et son mouvement d’extrême-droite antisémite Egalité & Réconciliation et sur les réelles campagnes de solidarité avec le peuple palestinien que nous avons à mener.

Extrême-droite et sionisme : une alliance contre-nature ?

Ce titre peut surprendre. L’extrême-droite européenne est très liée par ses origines au fascisme, au nazisme et à ses variantes nationales, qui ont commis un génocide de plusieurs millions de juif-ve-s lors de la Seconde guerre mondiale. Et le motif officiel de la création l’Etat d’Israël était d’offrir un refuge pour les survivant-e-s. Si des organisations sionistes ont déjà traité avec des nazis dans les années 30, on ne peut pas vraiment parler d’alliance. Il s’agissait plutôt de trouver une solution séparée, à l’image des rencontres entre les états-majors du Ku Klux Klan et de la Nation of Islam aux Etats-Unis dans les années 50 en vue de la création d’un Etat séparé pour la communauté africaine-américaine sur le sol américain.

Pourquoi des partis israéliens, même d’extrême-droite, noueraient des alliances avec leurs anciens ennemis mortels ? Si le sionisme n’est pas un fascisme, il est néanmoins fondamentalement raciste et colonialiste. Et certaines passerelles idéologiques et pratiques peuvent être tissées entre sionisme et fascisme.

A)     Alliances au sommet

1)     L’extrême-droite israélienne, un modèle pour les fascistes ?

La version la plus extrême du sionisme est représentée par le courant du rabbin Meir Kahane, un homme politique israélo-américain, assassiné en 1990. Issu du Betar, un mouvement de jeunesse d’extrême-droite juive radicale, Kahane fonde en 1968 la Jewish Defense League (Ligue de Défense Juive) dans le but de lutter contre l’antisémitisme, et notamment de défendre les Juifs new-yorkais face à la communauté noire. Par la suite, le groupe évolue vers une lutte acharnée contre le communisme, en usant de tous les moyens, très souvent la violence.

Extrait 1 : camp d’entrainement Meir Kahane

En perte de vitesse, il émigre en 1971 dans l’Etat d’Israël. Il y défend, à travers de violentes provocations, l’expulsion de tous les Palestinien-ne-s (réduit-e-s au terme d’ « arabes », déqualifiant la revendication nationale palestinienne) vers les pays arabes voisins. En 1973, il se lance dans le jeu politique institutionnel et fonde le parti Kach pour lequel il sera député en 1981. A partir de 1985, le parti ne peut plus se présenter aux élections car étant considéré comme raciste (il multiplie les appels aux meurtres d’arabes, dénonce les mariages mixtes entre juif-ve-s et non-juif-ve-s) et il est déclaré organisation terroriste par l’Etat d’Israël, puis par les Etats-Unis, le Canada et l’Union européenne en 1994, après qu’un de ses membres, réagissant aux accords d’Oslo, ait massacré 29 palestiniens qui priaient dans le tombeau des Patriarches d’Hébron.

On peut se dire que le courant de Kahane est très minoritaire. Pourtant, un ancien membre du parti Kach, Avigdor Lieberman, chef du parti d’extrême-droite Israël Beiteinou, est l’actuel ministre des Affaires étrangères du gouvernement de droite dure dirigé par le Likoud. Une autre formation d’extrême-droite sioniste ultrareligieuse, le Foyer Juif, représente la quatrième force politique du pays aux élections législatives de 2013.

Dans l’Etat d’Israël, la frontière entre extrême-droite et droite extrême est mince. Le Likoud, majoritaire au gouvernement, reprend le discours de l’extrême-droite sur le concept de « suprématie juive », opposé à la notion de citoyenneté israélienne qui induit égalité des droits pour tou-te-s les citoyen-ne-s, y compris les Palestinien-ne-s vivant dans les frontières de l’Etat d’Israël. L’Etat d’Israël ne se revendique pas comme une démocratie, c’est un Etat juif revendiqué, d’apartheid, opposé à l’égalité. De même, le gouvernement mène une politique très dure contre l’immigration illégale et les demandeurs d’asile. Le premier ministre, Benyamin Netanyahou, a déclaré que les demandeurs d’asiles constituaient une « menace nationale » alors qu’une députée du Likoud, Miri Regev, a traité les Africains de « cancers ». Les immigré-e-s peuvent être enfermé-e-s pendant un an dans des centres de rétention sans motif ni jugement. De même, la charte du Likoud combat la création d’un Etat arabo-palestinien à l’ouest du Jourdain, c’est-à-dire en Palestine.

Ce que réclame et met en place la branche la plus radicale du sionisme, à travers la colonisation, l’occupation militaire et les discriminations envers les Palestinien-ne-s, c’est une purification ethnique dans ce qui constitue l’Israël mythique, dans la perspective de former un Etat juif pur.

 

2)     Evolutions de l’extrême-droite européenne

L’extrême-droite européenne est séduite par cette politique de purification. Remplacer « juifs » par « de souche » (Français de souche, Belges de souche etc.) pourrait illustrer le rêve des partis d’extrême-droite européenne. Ce sont leurs théories obsessionnelles de la nation pure qui sont mises en pratique de manière avancée dans l’Etat d’Israël. Chacun chez soi, la France aux français, l’Autriche aux autrichiens, Israël aux juifs et les arabes en Arabie.

Comme dit plus haut, l’extrême-droite européenne est très liée au passé fasciste, de manière plus ou moins assumée (plus comme le FPO en Autriche, moins dans la plupart des cas). L’antisémitisme est donc partie prenante de son ADN. Mais les fascistes sont très opportunistes. On assiste à un tournant idéologique notamment depuis le 11 septembre 2001 et le développement de la théorie du « choc des civilisations », d’un antisémitisme congénital vers une islamophobie acharnée. L’ennemi, c’est les musulmans, représentés par la figure de l’immigré ou du terroriste islamique. L’islam, considéré comme une religion non-européenne, donc rétrograde, violente, sexiste et homophobe, est décrite comme une menace pour les libertés acquises. D’un côté, pour les dirigeants sionistes, qui se voient comme le bastion avancé de la civilisation occidentale au Moyen-Orient, Israël est en première ligne face à l’ « islamisation rampante de l’Europe ». De l’autre, par opportunisme, cette extrême-droite européenne « moderne » va chercher à s’adresser à celles et ceux qui étaient les cibles de leurs attaques auparavant, notamment la communauté juive.

C’est dans cette optique qu’en 2010, une trentaine de dirigeants d’extrême-droite européenne, dont le néerlandais Geert Wilders, le Belge Philip De Winter et l’Autrichien Stratche, successeur d’Haider à la tête du FPO (Haider qui vantait « la politique de l’emploi bien menée » du Troisième Reich ou qui disait en 1995 à propos de la Waffen SS « ces hommes intègres, restés fidèles jusqu’à aujourd’hui à leurs convictions, malgré les vents contraires »), séjournent dans l’Etat d’Israël et ses colonies avec les honneurs. Wilders s’entretient à cette occasion chaleureusement avec Lieberman.

Extrait 2 : visite extrême-droite européenne dans l’Etat d’Israël

L’artisan du rapprochement : Ayoub Kara, député du Likoud et ministre adjoint au développement des districts de Galilée et du Négueb. « Je suis à la recherche de moyens d’amoindrir l’influence islamique dans le monde », a-t-il déclaré au quotidien israélien Maariv en juin.  « Je pense qu’il s’agit là du véritable nazisme du monde actuel. Je suis prêt à m’associer avec quiconque croit à l’existence de cette guerre. » Il a donc rencontré le millionnaire néo-nazi allemand Patrick Brinkmann, et des dirigeants du FPO autrichien. Eliézer Cohen, ancien colonel de l’armée et ancien député d’Israël Beiteinou, est encore plus clair : « Les politiciens d’extrême droite européens sont plus sensibles aux dangers qui menacent Israël […] Ils parlent exactement le même langage que le Likoud et la droite israélienne. Je suis trop vieux pour être hypocrite – j’espère que l’extrême droite gagnera en Europe. »

Extrait 3 : théoricien sioniste alliances contre-nature

 

3)     Quelle politique pour le Front national ?

Créé en partie par d’anciens collabos de la Seconde Guerre mondiale et présidé par Jean-Marie Le Pen (qui parlait d’un « détail de l’Histoire » concernant les chambres à gaz ou encore en parlant du ministre Michel Durafour faisait la « blague » « Durafour crématoire »), le FN est foncièrement antisémite depuis sa création. Pourtant, il compte aussi dans ses rangs dès le début de fervents défenseurs du sionisme et d’Israël, voyant dans cet Etat un bastion de l’Occident contre le communisme et les Arabes. De plus, les partisans de l’Algérie française reçoivent divers soutiens depuis Israël (entre colonialistes on se comprend). De premières tentatives de rapprochement ont lieu dans les années 1980. Deux députés FN se rendent alors dans l’Etat d’Israël pour tenter d’établir des liens avec l’aile droite du Likoud, puis JMLP rencontre en 1987 à New York des dirigeants juifs américains.

Mais là aussi le véritable changement intervient dans les années 2000 avec le 11 septembre 2001 et la seconde Intifada en 2002. La prise de pouvoir de MLP et Louis Alliot en 2011 au sein du FN concrétise cette évolution de la ligne officielle. La volonté de « dédiabolisation », la quête de respectabilité et surtout sa stratégie de construction à partir d’une islamophobie virulente poussent au rapprochement avec l’extrême-droite sioniste, à l’image des autres partis européens. En interne on assiste à un partage des rôles entre d’un côté JMLP et Bruno Golnisch, qui sont là pour rassurer la vieille garde antisémite – par ailleurs Golnisch continue d’entretenir des liens avec l’Œuvre française clairement antisémite – et de l’autre MLP. Dès 2011, MLP déclare en effet au journal Haaretz que le FN a toujours été « sioniste », et assure sur une radio israélienne ne pas soutenir le boycott des produits israéliens. Lors d’un voyage aux Etats-Unis la même année, elle rencontre l’ambassadeur d’Israël à l’ONU, ainsi que le responsable d’une organisation, l’American Israël Public Affairs Committee, qui se présente comme un « lobby pro-Israël américain« . C’est également en 2011 que Louis Alliot se rend dans l’Etat d’Israël, en compagnie du « M. Sécurité » du FN, Michel Thooris, proche de la LDJ, et qui entretient des relations avec le parti d’extrême droite Israël Beiteinou.

Extrait 4 : MLP et le tournant sioniste

Ces deux voyages sont une manière de contourner les institutions juives dites « représentatives » en France tel le CRIF, qui continuent en effet à considérer le FN comme un parti antisémite (mais dont le président en 2002, Roger Cukierman, déclare entre les deux tours de l’élection présidentielle « que la victoire de Le Pen servirait à réduire l’antisémitisme musulman et le comportement anti-israélien, parce que son score est un message aux musulmans leur indiquant de se tenir tranquilles »), pour s’adresser directement à la droite et à l’extrême-droite israéliennes (en passant par la communauté juive américaine).

 

B)     Des alliances à la base

Les rapprochements des états-majors d’extrême-droite fascistes et sionistes ont des répercussions à la base, parmi les groupes d’activistes violents.

 

1)     L’exemple de l’EDL

Le modèle des groupes d’extrême-droite islamophobes s’appelle l’English Defense League, scission activiste du British National Party, parti d’extrême-droite antisémite. Ce nom est directement une référence à la Jewish Defense League de Meir Kahane.

Extrait 5 : EDL et sionisme
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L’EDL s’est fait connaître en organisant des manifestations islamophobes dans des villes ou des quartiers à forte population musulmane (il fait face systématiquement à des contre-manifestations plus massives du collectif Unite Against Fascism et de résident-e-s). Au cours d’un meeting organisé à Lutton, l’EDL a invité Nachum Shifren, rabbin américain radicalement islamophobe et membre du Tea Party. Dans le même meeting prennent la parole deux membres du Bloc Identitaire français.

 

2)     En France : les identitaires et la LDJ

Le Bloc identitaire est un groupuscule fasciste, dont on a encore entendu parler récemment à propos de leurs milices « anti-racailles » dans les métros de Lille, Lyon et Paris. Ils se sont fait connaître en organisant une action avec des masques de cochon sur la tête dans un Quick halal, en diffusant de faux appels à la prière le matin dans les rues, ou encore en occupant la mosquée de Poitiers en construction.

Ils ont organisé avec les islamophobes de Ripostes laïques les apéros-saucisson-pinard et les Assises contre l’islamisation de l’Europe à Paris, où se sont retrouvés de nombreux dirigeants d’extrême-droite de plusieurs pays. A ces deux événements, le Bloc identitaire assurait la sécurité avec … la Ligue de Défense Juive française.

Celle-ci se revendique de la Jewish Defense League Meir Kahane, donc est considérée comme organisation terroriste dans l’Etat d’Israël et aux Etats-Unis, mais a disparu de la liste européenne des organisations terroristes en 2009. La LDJ est un bon exemple de la proximité tant idéologique que dans les pratiques d’une partie du courant sioniste avec l’extrême-droite fasciste. Par exemple, jusqu’à récemment, l’un des cadres de la LDJ, Philippe « Avichai » Wagner, était un ancien skinhead néo-nazi converti au judaïsme. De même, leurs actions consistent presque exclusivement en l’agression de militant-e-s pro-palestinien-ne-s.

Aujourd’hui, elle passe pas mal de temps à s’affronter avec les partisans de Soral et de son mouvement d’extrême-droite antisémite Egalité & Réconciliation. Qu’ils s’entretuent.

 

 

Supports vidéos :

Vidéo 1 : Sur la LDJ : http://www.youtube.com/watch?v=91nyzW4nEe8

Extrait 1 : 4:58-5:31 : camp d’entrainement Meir Kahane

Vidéo 2 : La déferlante anti-islam : http://www.dailymotion.com/video/xp018z_la-deferlante-anti-islam-enquete-sur-la-nouvelle-extreme-droite-special-investigation-stop-a-toutes_news

Extrait 2 : 31:25-33:54 : visite extrême-droite européenne dans l’Etat d’Israël

Extrait 3 : 37:14-38:00 : théoricien sioniste alliances contre-nature

Extrait 4 : 46:56-48:38 : MLP et le tournant sioniste

Extrait 5 : 00:47-1:40 : EDL et sionisme